journal de création

1er juillet 2009

1er mouvement

Le fond des temps avant surgissement.
Clartés jaunes,
remous,
épouvantes ?
Bouillonnement.
Coulures, zébrures
Jaune !
Ça remue
Le vide crée.

2ème mouvement

Le violet s’en mêle
Pluies de tâches
Dégoulinures verticales
Le jaune résiste
Les transparences jouent
Ça se cherche
La cristallisation a lieu
Figée en pleine quête
Pierres biscornues
Rochers hérissés
Courbes de terrain hachées
Une pause ?

3ème mouvement

Le jaune n’a pas dit son dernier mot.
Il s’enhardit vers les oranges, jaunes d’or.
Il rêve, il crie, il joue, il jubile.

Et soudain s’étale, s’aplanit, s’étire, se calme dans tout l’espace gauche.
Gauche justement, il l’est devenu.
Les mouches virevoltent , s’agacent : 11H00, je m’arrête.

Le jaune doit passer ou le blanc surpasser. Peinture coupée à reprendre.

2 juillet 2009

4ème mouvement

Le blanc creuse les profondeurs du monde.
Ocres et rouges incisifs rythment la propagation d’une onde colorée.
Le jaune unifie.
La peinture se fait plus dense dans ses maladresses, plus profonde dans ses fulgurances.

5ème mouvement

Ascension de la glaise : violets, briques, rouges s’enlacent, montent des entrailles d’un insondable.
Le blanc tombe en cascade, ouvre des failles.
Timide apparition d’une terre verte naturelle : envie d’apaisement ?
Et le bleu ?

3 juillet 2009

6ème mouvement

Les falaises se font verticales.
Les flots de bleu se déversent : nuages ? eau ?
Mouvements fluides.
La composition est enfin là.
Restent à monter les matières, les lumières.
À regarder, contempler de loin!.
!!!..
Comment créer l’inattendu ?
Se défaire du connu ?
Le 7ème mouvement sera bouleversement, intensité dérangeante, ébranlements!
Tout à réinventer.
Energie des premières explosions.

7ème mouvement

L’accident, la coupure, l’obstruction, l’orage.
Ça ne coule plus : tableau coupé en deux.
Pourtant surgit plus de relief, d’illusions de précipices, d’interstices vertigineux.

« Les forces cosmiques n’agissent pas de bas en haut mais de haut en bas. » Hermes Trismégiste

« J’entends des pas vivants déplacer la direction des montagnes,
j’entends la vie respirer à embuer la lune et les étoiles. »
Cù Huy Cân, la marche du printemps.

 

5 juillet 2009

8ème et 9ème mouvements

Timide : oranges, jaunes, violets, blancs.
Vapeur, nuée d’après orage.
Les cimes lointaines se devinent! ; 3ème plan.
Le noir se profile.


Matière minérale
Noirs – durcissement
Choc ­ genèse des roches
Aridité, violence, verticalités
Le roc s’affirme.

 

7 juillet 2009

10ème mouvement

Les couleurs s’affirment
Les contrastes aussi
Chaque parcelle de matière s’invente un monde
C’est l’éparpillement des énergies et des rires !
Ça c’est moi : montagne buffle
Ça c’est moi : montagne serpent
Ça c’est moi : montagne tortue
Ça c’est moi : montagne antilope

Cacophonie exubérante
Mais où est donc passé le Grand Manitou ?

8 juillet 2009

11ème mouvement

Le bleu circule
Un courant traverse à nouveau la toile de gauche à droite.
Les montagnes du serpent se creusent.
Précipices : Cascades ? Vides ? Béances ?
La montagne du buffle reste l’épicentre de la toile.
Pourtant , je ne la comprends pas : défi d’ordonnancement cosmique.
Le jaune fond dans le bleu : envie d’expansion.
Oscillations entre détails !..
Passerelles à écrire d’une montagne à l’autre.
Blocages ? Hésitations ?
Envie de fermer les yeux qui se sont ouverts partout : ils captent trop l’attention ; le regard se fige.

9 juillet 2009

12ème et 13ème mouvements

Arasement des montagnes! Simplification , envie d’amples respirations!
Le jaune s’étend encore.
Rencontres incertaines des espaces : nuages ? Discrétions floues et mouvantes de chaos sensibles.

Irruption volcanique. La toile s’arrête là.
Contemplation :  la beauté est dans les nuages qui passent au dessus de la tente. Pourquoi le peintre cosmique est-il si bon ?

14ème mouvement

L’après Sima!!!.
La contemplation des deux toiles : « terre » et « reflet glacial » de Sima redonne envie de fouiller la matière des nuages!
Le bleu-jaune gagne l’espace aérien.
Il passe aussi dans les montagnes !
Recherche, découragement !!!
La quête toujours et encore :

« La vision plane de l’espace se transforme en une vision dynamique et dématérialisée du monde par la dissolution de la matière dans la lumière et l’espace. » Smejkal

Quand y arriverai-je ?

11 juillet 2009

15ème mouvement

Les nuages ont voulu se faire fleuve pour accueillir poissons, algues, grenouilles et autres créatures aquatiques ; le bleu s’est fait vert-orangé ; la vie dans ses rudiments aqueux est bien là ; pour preuve : apparition de l’anguille géante qui rigole!
Cloaque animé qu’il faudra alléger de bleu limpide et transparent.
Déjà, le buffle céleste a réinjecté sous souffle de feu jaune d’or sur toute la partie droite : la bataille fait rage !

Percées dans les montagnes : mouvements rouges et verts. Arasement du bleu qui perd du terrain dans tous les règnes!.

Pour créer librement, laisser couler et venir :  bannir la peur m’a-t-on appris! Ce matin réussite complète : ratage sur toutes les lignes et même pas peur ! Pas mieux pour redonner de l’énergie aux pinceaux qui s’impatientent déjà de retravailler cette matière si riche en accidents, germes de vie à venir.
Pas étonnant que tout là-haut, au dessus de Chaudon, les martinets culbutent de cascades en pirouettes célestes dans l’azur sans tache.

Cette peinture qui commençait à m’ennuyer sec, figée qu’elle était dans une immuabilité immatérielle d’entre deux âges (géologiques ?) ne m’ennuie plus du tout ! elle m’énerve, m’agace, me tarabuste, m’irrite et j’enrage : quelle énergie elle m’insuffle ! Merci les poissons !!!
Heureusement, le buffle veille au grain : il a envoyé ses papillons dans ma tente, sans doute histoire de remettre un peu de limpidité dans mes antennes ! Pas possible : en voilà un qui vient de se poser dans mes cheveux ! ! ! ! 

13 juillet 2009

16ème mouvement

Les eaux déferlent de toute part
Apparition de montagnes douces plein ouest
Apaisement
Envie de balades en barques à travers les gorges
Aller contempler les peintures chinoises « montagnes et eaux »

14 juillet 2009

17ème mouvement

Montagnes toujours et encore
Les embrasser plus amplement, les traiter à bras le corps
Embardées à inventer

16 juillet 2009

18ème mouvement

Détermination !
Agrandir tout ce qui est devenu limité
Insuffler une nouvelle direction, respiration
Bannir la peur des commentaires : Ah mais c’était bien mieux avant!. Les compliments en cours de création seraient-ils mes pires ennemis ? (Et si je ne faisais pas mieux….)
Trouver la confiance de sauter une fois de plus dans le vide au delà de tout ce qui s’est construit, s’est équilibré au fil des jours! Ces jours passés seraient-ils vains ?!
Si difficile de franchir un cap, passer un palier, avancer.
Aller, on y va !

De bon matin, l’alliée Rosée était là : merci à elle !
Sitôt un coup de pinceau donné, elle s’approprie la couleur, la laisse couler dans ses canaux.
Laisser faire Rosée et Pesanteur.
Peinture plus vivante, plus unifiée.
Miroitements multiples.
Les montagnes commencent à se fondre dans plus vaste qu’elles.
Bruine jaune
Plein Est : ouverture d’une fulgurance
Peinture respire plus amplement
C’est la bravitude des dégoulinures : Glacis d’été.

17 juillet 2009

19ème mouvement

Une autre idée de peinture :
Landes avec ciel bas et profond. On sent les embruns. Au loin, le bruit des vagues. Quelques pierres ici et là ; vaste horizon désolé ; mystère.
Le relief des montagnes me pèserait-il ?

Reprise de l’entre ciel et terre : ondulations de bleus et de jaunes.
Les crêtes se fondent dans des lumières ternes.
Les blocs compacts de montagnes résistent, comme si, une fois cristallisés ils ne pouvaient plus se dissoudre sans déchirer la toile.
Pourquoi me viennent soudain les souvenirs du rocher de Sisyphe et de la toile de Pénélope ?

Cet après-midi des orages sur la Provence sont annoncés : je suis presque soulagée de devoir arrêter là, démonter les toiles, les ranger pour 12 heures sous les bâches, peut-être avec le secret espoir qu’en les ressortant demain matin, je les découvrirai d’un nouvel oeil! Espoir insensé ?

Lu hier soir à propos de la peinture de Sima  :
« Pesanteur de la terre qui ne se dissout plus dans la lumière. »
« Unité du monde débarrassé de ses accidents. »
« Mondes éphémères, isolés. »
« La pierre : reflet du tout centre du monde : imago mundi ».

Selon Mircea Eliade :
« La pierre représente l’indestructibilité et la durée ;  l ‘arbre, avec sa génération périodique, manifeste la puissance sacrée dans l’ordre de la vie. Là où les eaux viennent compléter le paysage : latences, germes, purification. »

18 juillet 2009

20ème mouvement

Reflets dans l’eau
Oranges et bleus
Sombre !
Luminosité à ramener
Iles oranges
La porte de l’est s’est estompée, devenue plus lointaine, plus inaccessible
Passages, croisements, enchevêtrements : la peinture n’en finit pas de se chercher : là oui, là non !
Reprendre, effacer, affiner, lier, lier.

Journée venteuse : le mistral souffle, il fait 9 degrés, les nuages défilent, la lumière change en permanence.
Il fait sombre, il fait froid, la peinture le sait.
Un rayon de soleil et tout devient chatoiements et pétillements.
L’entre deux : à l’orée des nuages : mystère.
Vagabondages, errances, la peinture voyage.
S’adosser aux rochers pour jouer du reflet des couleurs, des transparences.
De quelle couleur est le vide ?

21ème mouvement

Bref, fulgurant juste avant d’aller se rafraîchir à la cascade. Eclatements de jaunes clairs pour illuminer l’Orient. En début d’après-midi en plein vent et sous le soleil, la peinture sèche décidément trop vite pour pouvoir continuer.

19 juillet 2009

22ème mouvement

Reprise du jaune à l’est.
Aussi de l’eau autour des îles oranges : d’un bleu clair elle s’assombrit aux confins du gouffre est – ouest.
Fin du mouvement au tuyau d’arrosage et à l’éponge.
Ouf, un peu de fraîcheur retrouvée : la peinture s’embourbait.
Décidément difficile ce passage est / ouest : la peinture à ce stade pourrait s’appeler :
« les cascades probables aux infinies questions ».
Faut-il un gouffre pour que la rencontre ait lieu ?
Ou aller provoquer les remous d’un chaos créateur hésitant entre Terre Ciel et Eau ? Il voudrait tout en même temps ! Ca lui ressemble tant !
Et pourquoi pas ?

1er août 2009

23ème mouvement

A nouveau circulation des eaux de gauche à droite : disparition de la grande cascade de tous les gouffres !
Le bleu à nouveau calme les reliefs.

7 et 8 août 2009

24ème et 25ème mouvements

Retour en force du bleu. Besoin de raviver les couleurs qui s’embourbaient peu à peu.

Apparition de nouvelles îles oranges.

9 août 2009

26ème mouvement

Je me demande quand je finirai cette peinture.
C’est comme si je prolongeais l’exercice le plus longtemps possible :
pour être certaine que je pourrai continuer, je crée les accidents à chaque mouvement.

Quel risque y aurait-il à la finir ? Qu’ai-je peur de perdre ?
Juste la fin d’un voyage pour avoir le plaisir d’en recommencer un autre…

Une peinture n’est jamais finie.

Je me lance le défi suivant : cette peinture devra s’achever au 33ème mouvement et pas un de plus !

14 août 2009

27ème mouvement

Eh bien voilà, aujourd’hui : grand jour de chambardement.
Le haut en bas, l’ouest à l’est.
Surprise de taille : non seulement dans ce sens là , la peinture tient mais en plus elle est quasiment finie !!!!
Plus que quelques retouches de « métier » par çi par là : dans les îles, les rochers et le passage « jaune-violet »…
Y ajouter un petit homme perdu au coeur des couleurs ou laisser l’imagination le poser selon l’humeur du jour !

J’aime les peintures qui laissent les spectateurs finir leur histoire ………..

Et vous : où aimeriez-vous vous poser dans ce paysage – voyage ?

 

Le titre de la peinture, s’impose de toute évidence : elle s’appelle :

« L’envers du voyage »

1er octobre 2009

28ème mouvement

Reprise après plus d’un mois d’interruption :la mer me manquait , l’océan , le bleu.

De retour d’un court séjour en Bretagne, j’avais envie de retrouver l’espace-océan :
à nouveau l’eau gagne sur les montagnes; elles se font îles., passages

 

Corinne Leforestier – été 2009

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